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Jérémy Florès : « On se prépare à passer 14 jours enfermés dans une chambre ! »

TEAHUPO'O, TAHITI - AUGUST 27: Jeremy Flores of France advances to Round 4 of the 2019 Tahiti Pro Teahupo'o after winning Heat 9 of Round 3 at Teahupo'o on August 27, 2019 in Tahiti, French Polynesia. (Photo by Kelly Cestari/WSL via Getty Images)(Photos © WSL, ISA, FFSurf)


Arrivé de Tahiti ce week-end, le n.1 Français a quitté Paris ce matin pour rejoindre Los Angeles où il prendra samedi le vol spécial de la WSL pour l’Australie, site de quatre CT consécutifs. Après une nouvelle nuit blanche, « pour rester à l’heure du Pacifique », Jérémy Florès nous a parlé de ce trip pas comme les autres, de la tournée australienne, de la grande inconnue sur la suite de la saison et de sa carrière, et aussi du Quiksilver Pro France d’octobre prochain. 


Tahiti-France-Los Angeles-Sydney ! Tu es parti pour une mission de 37.000 km ! C’est le plus long trip de toute ta vie, non ?
Oui, c'est bien le plus long trip de toute ma vie. C’est une vraie mission. A Tahiti, les frontières sont fermées et on n’a pas pu aller directement à Los Angeles. Voilà pourquoi on a dû passer par Paris. Ça ajoute de l’avion, des jours en plus, de la fatigue et des tests. Il y a aussi le fait d’être avec ma fille qui rend les choses plus compliquées. Mais je ne me voyais pas passer plus de quatre mois sans ma famille. C'était impensable. On a passé beaucoup de temps à planifier ce déplacement avec un routing compliqué et toutes les autorisations pour entrer et sortir de tous les pays qu’on va traverser. 

Vous ne vous quittez pas avec Michel Bourez, qui était lui aussi à Paris et qui suit le même itinéraire avec femme et enfants… 
On était ensemble à Tahiti. On a galéré ensemble pour les autorisations, pour les attestations. Michel part, lui, avec sa femme et ses deux fils. C’est un sacré coût aussi. Quand on fait les calculs, on ne sait même pas si on va rembourser tous les frais engagés pour aller là-bas. D’autant qu’il n’y a aucune garantie que les quatre compétitions aient bien lieu. Normalement, le surf nous fait gagner notre vie. C’est notre job. Là…

154961400 10159124163471081 2268769308234437859 nDans le détail, ça donne quoi ce déplacement « ultime » ?
On vient de passer trois jours à Paris. On est resté à l’hôtel à Roissy, en auto-isolement pour ne pas prendre de risque car on a été testés avant de repartir pour Los Angeles. On va être testés plusieurs fois d’ici l’Australie. On va passer trois jours à L.A., là aussi à l’hôtel. Refaire un test et prendre l’avion de la WSL le 6 mars, avec tous les autres surfeurs, pour Sydney. Arrivés en Australie, on sera testé à la descente de l’avion et on suivra une quatorzaine stricte de 14 jours minimum, enfermés dans un hôtel. Avec un énième test au final !

Pourquoi « 14 jours minimum » ?
Parce que s’il y a un seul cas dans l’avion pour Sydney, on passera alors à trois semaines de quarantaine !

En sais-tu plus sur l’interdiction de sortie de l’hôtel à Sydney ? Apparemment le protocole est très strict…
On sera enfermés dans notre chambre avec l’interdiction totale d’en sortir ! Pas même dans le couloir. Il y a des caméras de surveillance partout dans l’hôtel, du personnel de sécurité qui surveille que personne ne sorte de sa chambre. Et les chambres sont sans fenêtre ! Comme on est quatre pros à voyager en famille, on a obtenu pour nous quatre de louer un petit appartement avec une fenêtre dans l’hôtel. C’est déjà pas mal… Mais si jamais, comme je l’ai dit, il y a un cas dans l’avion entre Los Angeles et Sydney, cette attention disparaîtra et on aura alors droit à 3 semaines dans une chambre et sans fenêtre ! 

« Certains surfeurs ont même fait un prêt bancaire pour ce déplacement… »

C’est chaud quand même, non ?
Oui, c’est comme ça (soupir). On se prend trois semaines de galère entre le départ de Tahiti et la sortie de l’hôtel à Sydney. Mais on ne va pas se plaindre. Il faut en passer par là si on veut pouvoir faire des compétitions là-bas. Je me dis qu’une fois la quarantaine terminée, on sera bien. En Australie, les gens vivent normalement, sans masque, tout est ouvert. Alors oui, on peut imaginer que ça va être compliqué mais j’ai la chance de voyager avec ma compagne et notre fille (bientôt 4 ans, Ndlr) alors que beaucoup vont être seuls. Ça fait longtemps que je suis sur le tour, j’ai mis de l’argent de côté, je peux me permettre de payer une grosse somme pour avoir ce confort d’être avec les miens. Ce n’est pas le cas de beaucoup de surfeurs qui n’ont pas les moyens de venir accompagnés. Ils vont être seuls dans leur chambre pendant 14 jours, loin de leur famille pendant trois mois. Ça va être dur. Peu importe le métier, peu importe le lieu même s’il est paradisiaque, c’est difficile de ne pas être avec sa famille, avec ses enfants. Je sais que certains surfeurs ont même fait un prêt bancaire pour ce déplacement, pour cette quarantaine et pour passer ces trois mois en Australie. Sans savoir s’ils pourront le rembourser puisqu’on ne sait même pas si toutes compétitions auront bien lieu… 

Pendant que vous, Français, Américains, Brésiliens, etc… serez enfermés pendant 15 jours, les Australiens pourront eux surfer non-stop. Ils vont avoir un gros avantage, non ?
Oui, bien sûr. La plupart des surfeurs sont Australiens et sont donc déjà sur place (un tiers du CT messieurs et dames est australien, Ndlr). Ils peuvent surfer et surferont pendant que nous, on sera tous bloqués à l’hôtel (certains Australiens font même des compétitions QS en Australie en ce moment, Ndlr). Ça va nous pénaliser, on ne va pas être au top de notre forme, c’est certain. Il y en a qui sont mieux lotis, c’est comme ça. Ça a toujours été comme ça (rires). 

Que penses-tu de l’organisation de la WSL qui propose donc quatre CT consécutifs en deux mois dans la bulle australienne ? 
Je sais qu'il y a des gens à la WSL qui travaillent très dur pour qu’il puisse tout simplement y avoir des compétitions pros. Pour qu'on puisse reprendre le tour. Reprendre notre job qui est de surfer. Mais, d'après ce que j'ai compris, il n’y a pour l'instant aucune garantie que ces compétitions se fassent. La WSL ne nous les a pas données. On va donc en Australie, où il y a des mesures sanitaires très strictes en sachant, malgré tout, qu’il peut y avoir un cluster dans une ville hôte, synonyme d’annulation de la compétition avec reconfinement immédiat. 

« J’aurais préféré attendre encore 6 mois avant de reprendre le tour »

A t’entendre, aurais-tu préféré attendre encore pour la reprise du tour ?
Oui, ça ne m’aurait pas dérangé. J’aurais préféré encore attendre 6 mois. Avec un vaccin qui fonctionne pour qu'on puisse reprendre le tour normalement. C'est mon avis personnel. Encore une fois, je ne vais pas me plaindre. C’est déjà très bien de reprendre les compétitions.

Les historiques Snapper et Bells ont été annulées et remplacés, et une 4e compétition s’est donc ajoutée au programme australien. Quel est ton avis sur ce mini-tour avec, dans l’ordre chronologique : Newcastle, Narrabeen, Margaret et Rottnest Island ?
On est très loin du « Dream Tour » (rires). Newcastle et Narrabeen sont des beach breaks pas terribles, où il y a souvent des QS. Il va falloir s’adapter, se mettre sur des petites planches pour ces vagues difficiles. Les fans de surf vont être contents de revoir du surf sur le webcast mais ça ne va pas être la même chose qu’à Snapper où il la vague a un fort potentiel. Quant à Rottnest Island, je n’en avais jamais entendu parler. C’est apparemment très sympa. C’est une petite île au large de Perth (côte ouest, Ndlr). Il y a un pic droite-gauche sur des cailloux.  J’ai trouvé quelques vidéos sur YouTube, c’est intéressant. Ça, ça me plaît ! Surtout que j'adore découvrir de nouvelles destinations. Des quatre étapes, c’est celle que j’attends le plus.

MARGARET RIVER, WESTERN AUSTRALIA - JUNE 1: Jeremy Flores of France is eliminated from the 2019 Margaret River Pro with an equal 17th finish after placing second in Heat 4 of Round 3 at The Box on June 1, 2019 in Margaret River, Western Australia. (Photo by Matt Dunbar/WSL via Getty)

As-tu des infos de la WSL sur la suite de la saison ? Après l’Australie il y a Rio, J-Bay, le Surf Ranch et Tahiti ? 
Non, je n’ai pas d’infos. Comme ils nous le disent : ils s'adaptent en permanence à la situation. Après l'Australie, tous les qualifiés pour les Jeux Olympiques issus du CT vont devoir aller au Salvador pour les championnats du monde ISA (18 au total dont Florès, Michel Bourez et Johanne Defay pour la France, Ndlr). Là aussi, il n’y a encore rien de garantie mais ça devrait avoir lieu. On va donc enchaîner directement sur le Salvador fin mai puis, juste après, aller au Brésil. On verra bien à ce moment-là.

« Avec cette crise, je ne vais peut-être pas m’éterniser sur le tour »

La saison pourrait donc être très ramassée avec 8 à 9 CT en 5 mois en comptant la finale à Trestles, plus les Mondiaux ISA fin mai et les Jeux Olympiques fin juillet. Comment vois-tu les choses pour toi ? 
On va dire que je suis prêt mentalement. Physiquement, beaucoup moins (rires). Je l’ai répété depuis quelques temps : je ne veux plus me mettre de contraintes. Je prends du plaisir à surfer, à faire ce que je fais. Je sais, depuis toutes ces années, que le principal est d’être bien dans ma tête. J’ai suivi un rythme d'entraînement physique très strict durant toute ma carrière. Depuis plus d’un an, je m'entraine beaucoup moins physiquement, voire plus du tout ces derniers mois. Je m'appuie surtout sur ma passion du surf. Sur le feeling que j’ai quand je vais à l’eau. Ces derniers temps, j’ai fait des trips à Tahiti et dans les îles, à surfer des vagues parfaites. Et franchement, je suis vraiment content de mon niveau. 

Tu parles depuis quelques temps de ta retraite sportive. Le moment est plus précis aujourd’hui ?
J’ai commencé à en parler il y a deux ans. Eh, oui, je vis peut-être une de mes dernières années sur le tour. Ce qui est certain, c’est qu’avec cette crise, je ne vais peut-être pas m’éterniser…  Je continuerais tant que j’ai ma petite famille avec moi, tant que je peux encore rivaliser avec les meilleurs. Tant que je pourrais montrer du beau surf et surfer de belles vagues.

Tu es 5e au ranking après Pipeline et, à part en 2008 et ta 3e place à Snapper, tu n'as jamais aussi bien débuté une saison. Dans quelle disposition es-tu avant la tournée australienne ? 
Le calendrier de base était vraiment pas mal pour moi dans des vagues puissantes à Hawaii (Pipeline et Sunset étaient au programme mais Sunset a été annulée, Ndlr). C’était même un avantage car je m’exprime bien dans ces conditions. Mon quart de finale à Pipeline l’a prouvé et c’est idéal pour débuter l’année. Il va falloir continuer sur ma lancée et faire des résultats en Australie. Je disais que je ne fais plus de physique depuis longtemps mais là, comme je ne vais pas surfer pendant trois semaines en tout, je vais m’astreindre à une routine physique dans ma chambre. Pour être en forme quand on va pouvoir sortir !

Quand te revoit-on en France ? En octobre pour le Quiksilver Pro France, désormais Challenger Series ?
J’aimerais être là pour cette compétition mais, très honnêtement, je n’en sais rien. On ne sait même pas si on va pouvoir faire des compétitions le mois prochain, alors dans six mois… On part à l’aveugle. On n’a aucune visibilité sur la saison. On va s'adapter. Ça serait déjà cool si je pouvais revenir quelques jours en France avant les Jeux Olympiques (25 juillet au 1er août, Ndlr).

 

FRA JEREMY FLORES JIMENEZ

 

LE CALENDRIER 2021
1-11 avril : Rio Curl Newcastle Cup, Australie 
16-26 avril : Rio Curl Narrabeen Classic, Australie
2-12 mai : Boost Mobile Margaret River Pro, Australie 
16-26 mai : Rip Curl Rottnest Search, Australie
29 mai – 6 juin : ISA World Surfing Games, El Sunzal, Salvador
11-20 juin : Oi Rio Pro, Saquarema, Rio de Janeiro, Brésil 
25 juin - 9 juillet : Corona Open J-Bay, Jeffreys Bay, Afrique du Sud 
25 juillet – 1er août : Jeux Olympiques, Tokyo, Japon
12-15 août : Surf Ranch Pro, Lemoore, Californie, USA 
23 août - 2 septembre : Outerknown Tahiti Pro, Teahupo'o, Tahiti 
8 - 16 septembre : WSL Finals, Trestles, Californie
11-17 octobre : Quiksilver Pro France, Hossegor, France 

 

 

 

Dernière modification le : 03 mars 2021
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