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Patrick Florès : « Les Réunionnais vivent un véritable traumatisme »

Patrick Florès, avec son fils Jérémy, en compagnie de Marie Troja, membre de l'équipe de France junior, et de son père Alain (à gauche), un des pionniers du surf à La Réunion, sur le spot de Boucan Canot où deux générations de Florès ont appris à surfer. Patrick Florès, avec son fils Jérémy, en compagnie de Marie Troja, membre de l'équipe de France junior, et de son père Alain (à gauche), un des pionniers du surf à La Réunion, sur le spot de Boucan Canot où deux générations de Florès ont appris à surfer.

Dans la deuxième partie de l'interview que nous avons réalisé avec lui, Patrick Florès dresse le terrible constat du surf réunionnais, qui s'enfonce dans la crise requin depuis bientôt trois ans. Avec bientôt 40 années de surf à La Réunion à son compteur, l'entraîneur national en parle avec passion, non sans raison. Demain : les équipes de France et l'avenir du surf français.

 

Le surf à La Réunion est dans une situation catastrophique… Tu y es en ce moment, comment la vit-on là-bas ?
Le surf réunionnais est partagé entre ceux qui continuent à y surfer et ceux qui ont arrêté mais qui restent des surfeurs dans l'âme. Il  y a une interdiction totale d'activités nautiques et de baignade en dehors des zones surveillées. Au niveau économique la crise Bouledogue, car il faut bien préciser que 100 % des attaques sont dues à cette espèce de requin, est une catastrophe. On parle de 1 à 3 millions d'euros de pertes journalières pour l'île. La Région vient de s'engager à l'unanimité sur des projets de sécurisation et tout projet innovant qui se présentera et qui sera crédible sera étudié de prêt par ses bureaux.

On parle d'un vrai traumatisme…
Les jeunes ne parlent que de ça ! J'ai entendu un petit de 6 ans me raconter avec détail les dernières attaques de requins. Lorsque l'on demande à des enfants de faire un dessin, la grande majorité d'entre eux y mettent un requin. C'est un véritable traumatisme que vivent les Réunionnais et leurs enfants.

On ne peut plus surfer à La Réunion mais on peut encore s'y baigner, est-ce que…
(Il coupe) On veut nous faire croire que notre lagon se porte bien, mais comment avaler une couleuvre aussi énorme quand on voit les milliers de personnes qui ont déserté les plages ouvertes à l'océan venir se baigner couvertes d'huile solaire et piétiner le corail d'un lagon qui n'a pas plus de 80 cm d'eau ? On encourage les touristes à ne se baigner que dans ce lagon mais ceux qui connaissent les jeunes requins bouledogues savent qu'ils n'ont aucun problème pour évoluer dans très peu d'eau. J'ai participé à plusieurs réunions et tout le monde est d'accord pour dire que nous avons presque perdu nos requin de récifs endémiques, régulateurs naturels des espèces propre à notre barrière de corail. Nous avons tous demandé à ce qu'ils soient protégés. Les pêcheurs vont dans notre sens et interdiront bientôt toute pêche de nos requins de récif. Ils ont compris, comme nous, que la nouvelle présence en surnombre des bouledogues, issue de la mauvaise gestion pendant des années d'une réserve marine associée à une énorme ferme aquacole, est en train de bouleverser l'équilibre naturel de l'Ouest de l'ile. Nous espérons tous que le retour de nos requins de récifs amènera une régulation naturelle des bouledogues juvéniles. 

Tu connais bien les spots de la côte Ouest de La Réunion pour y avoir grandi et y avoir surfé depuis les années 70. Que peut-on faire aujourd'hui pour réduire ce risque ?
Il faut continuer les  recherches scientifiques sur ces bouledogues car même les spécialistes des requins sont tous d'accord pour dire que, malgré les massacres de millions de requins dans le monde, il y a très peu d'études les concernant. Ils ont très peu de données scientifiques à proposer lorsqu'ils montent au créneau pour défendre ces espèces. De plus, tout le monde est aussi d'accord pour dire que les requins bouledogues qui ont envahi l'Ouest de l'île ont des comportement hors normes et totalement déviants. Les pêches de protection sont une chance pour nos scientifiques, ils pourront les étudier et travailler sur des solutions pérennes pour qu'un équilibre soit trouvé dans les zones fréquentées, spécialement dans des villes classées « zones balnéaires » où l'homme intègre de fait l'eco-système marin. 

Que dis-tu à ceux qui entendent s'opposer à cette pêche de protection ?
Polémiquer sur la présence ou non de l'homme dans l'eau et polémiquer sur la pêche de protection, comme le font certains écologistes extrémistes, c'est freiner les débats et les avancées concrètes qui sont en train d'être réalisés. C'est aussi retarder la sécurisation de notre éco-systeme marin et de ses espèces mises en danger par la présence envahissante des requins bouledogues. Enfin, c'est tuer l'économie de l'ile et pousser encore plus au chômage les jeunes réunionnais qui sont déjà touchés à 60 % par la crise actuelle. Le surf est certainement l'activité qui a donné le plus à notre île en terme d'image d'envergure internationale. Il est en train de mourir.

Les surfeurs réunionnais ont pourtant démontré qu'ils fallait encore compter sur eux…
Comme souvent dans ces cas-là, il y a des gens qui se regroupent et qui rentrent en résistance. Nos compétiteurs en sont la meilleurs preuve. Ce qui m'a surpris ces dernières semaines, c'est que même le peuple réunionnais en général commence à réaliser que le surf n'est pas le seul en péril. Sous un principe tout écologie à l'extrême, qui sert les intérêts de minorités   extérieurs, loin des réalités de notre île, c'est toute la Réunion qui est en péril. Se faire donner la leçon comme certains essayent de le faire en ce moment, est vécu comme une humiliation par un grand nombre de Réunionnais.

 

Dernière modification le : 24 novembre 2013
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