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BILAN JO - « Les meilleurs surfeurs ont compris ce qu'étaient les JO »

 FRA ath Michel Bourez ath ph Ben Reed ph 12Stéphane Corbinien ici aux côtés de Michel Bourez lors des Jeux Olympiques de Tokyo 2020. (Photo ISA/Sean Evans)

 

Le directeur de la performance du surf français revient sur le parcours de l'équipe de France aux Jeux de Tokyo-2020, tire les enseignements de cette première participation et se projette forcément déjà sur Paris-2024. Entretien. 

 

Quel est le bilan de la première expérience de l'équipe de France aux Jeux Olympique ? 
On avait fait l'annonce de deux médailles car on ne pouvait pas venir sur des Jeux Olympiques sans ambition. On venait de gagner les championnats du monde ISA qualificatifs pour les Jeux. On savait évidemment que ça allait être très compliqué, sur un spot aléatoire, dans conditions particulières et avec les meilleurs surfeurs du monde. Mais les conditions étaient inconnues pour tous. Notamment, les conditions sanitaires particulières et lourdes pour s'organiser. Ça faisait partie du jeu, on le savait. Et puis, c'est toujours compliqué d'enchaîner deux évènements de haut niveau. On était allé chercher l'or au Salvador, et on savait aussi qu'il est toujours complexe de réitérer deux grosses performances, surtout en si peu de temps. 

Dans quel état d'esprit rentrez-vous du Japon ?
Avec une note positive puisque Michel Bourez a une 5e place olympique. Il est dans l'élite, à un tour de jouer la médaille. Il n'en est pas loin. On a gravit une première marche. On s'est approché de cette médaille. Il s'est approché de cette médaille. On va travailler sur le chemin à faire pour performer à Paris-2024, qui aura lieu à Tahiti. Pour avoir échangé avec beaucoup de fédérations, la première olympiade est toujours difficile. On a vu que chaque série était dure. Que ça se jouait à des détails. Il faudra analyser ces détails.

Pourquoi les Bleus n'ont pu aller au bout de l'ambition qui était de remporter deux médailles ?
Si on n'a pas gagné de médailles au Japon, c'est que l'on a commis certaines erreurs, on les analysera. On revisitera aussi notre système. On va entrer dans une période bilan des Jeux. On va bien regarder ce qui n'a pas fonctionné dans notre organisation, notre staff. Mais on va aussi regarder ce qui a bien fonctionné car n'oublions pas qu'on a un athlète qui fait 5e aux Jeux (Michel Bourez, ndlr) et que les trois autres sont dans le Top 9 olympique. Mais on ne peut pas se satisfaire de ne pas avoir une médaille. On ne va jamais aux Jeux pour faire de la figuration. On a appris. 

FRA ath Jeremy Florence ath ph Sean Evans ph 2Jérémy Florès s'est hissé jusqu'en 8es de finale et prend la 9e place des JO 2020. (Photo ISA)

« On n'a pas regardé les Jeux olympiques à la télé, on y était »

Le surf français est-il finalement à sa place derrière les quatre grandes nations du surf comme le Brésil, les États-Unis, l'Australie, le Japon et l'Afrique du Sud qui ont, elles, remporté des médailles ?
On est derrière ces grandes nations quand on lit le classement des médailles. Mais Tokyo a été dur pour tout le monde. Gabriel Medina, n.1 mondial actuel, termine 4e et je le répète Bourez est,  5e. Stephanie Gilmore, 7 fois championne du monde, est 9e, tout comme John John Florence, Johanne Defay, Jérémy Florès et Pauline Ado… Nous, Français, on est avec ces gens-là. On n'est pas largué. On a mis un pied dans la dernière journée. Ce n'est pas ce qu'on venait chercher mais on ne va pas tout jeter. Il faut construire sur nos perfs à Tokyo. Construire sur la 5e place de Michel Bourez. 

On savait en arrivant au Japon que Jérémy Florès et Michel Bourez n'allaient sans doute pas être à la fête eux qui préfèrent les grosses vagues et les tubes. Et pourtant, ils ont sorti le grand jeu. 
Beaucoup de monde doutait de la performance qu'étaient capables de faire Jérémy et Michel au Japon. Ce n'est pas connaître le surf de haut niveau, ni nos athlètes, d'avoir douté d'eux avant. Ils ont les compétences dans toutes les conditions. Même si on sait qu'ils aiment les conditions solides. Ils ont offert un surf de haut niveau. 

Johanne Defay était une des favorites. Avec quelques jours de recul, comment analysez-vous son élimination prématurée en 8e de finale et cette grosse déception ?
Quand on joue une sorte de Grand Chelem, JO et titre mondial WSL, on peut être décontenancé à un moment assez complexe, comme celui qu'elle a rencontré dans les conditions difficiles de la journée de son 8es de finale. Elle a manqué de lucidité dans ce moment-là. Elle fera un débrief avec nous, et elle en fera un avec son coach. Elle va se remobiliser pour aller décrocher sa place dans les play off pour jouer titre mondial en septembre.

fra ath Johanne Defay ath ph Pablo Jimenez phJohanne Defay était une des grandes favorites des Jeux de Tokyo-2020. (Photo ISA)

« J'ai vu Fernando Aguerre pleurer de joie »

On en parlait, Michel Bourez n'est pas passé loin d'un exploit face à Gabriel Medina. Quand on voit l'Australien Owen Wright battre le Brésilien pour la médaille de bronze en proposant un surf plus classique, on peut nourrir des regrets pour lui et pour la médaille de bronze ? 
Je veux remercier Michel pour son investissement. Au Salvador et au Japon. C'est un grand champion. Il fait une épreuve olympique magnifique alors qu'il revenait de blessure. Il aurait mérité mieux. Il a proposé du surf de très haut niveau. En quart de finale, il a construit sa série, et Medina retourne la situation sur un air. On remercie Michel pour cette magnifique 5e place sur ses premiers Jeux. Il est passé tout près d'un énorme exploit. 

Vous avez vécu des Jeux à distance puisque vous étiez à 100 km de Tokyo et que vous n'y avez pas mis les pieds hormis lors de la dernière journée…
J'aurais aimé que l’équipe puissent partager davantage avec les autres athlètes de tous les autres sports. Je les ai vus regarder tous les Jeux à la télé à notre hôtel. C'est magnifique la solidarité de toutes les équipes de France olympiques. On aurait aimé pouvoir aller dans les stades, les gymnases, … Notre parcours s'est résumé à : aéroport, hôtel, compétition, hôtel, aéroport. Heureusement, on a pu faire une boucle le dernier jour au village et au Club France. Je veux noter la dignité incroyable et l'engagement du peuple japonais qui a continué à organiser ces jeux parfaitement. 

L'émotion des Jeux était palpable le dernier jour avec les finales et la cérémonie des médailles. Un moment unique pour les surfeurs et les délégations qui étaient tous restés sur le site pour vivre ce moment unique…
Oui. Même si on n'a pas vu d'autres sports,  on a quand même vécu les Jeux Olympiques sur leur site de compétition de surf. Et on a connu beaucoup d'émotions. J'ai vu le président de la fédération internationale, Fernando Aguerre, pleurer de joie lors de la remise des médailles, et je le comprends. J'ai lu sur le visage de tous surfeurs qui ont fait ces Jeux ce que ça représentait d'être médaillé olympique. Il y a de la fierté pour nous, athlètes et staff, d'être la première équipe de France olympique. Je le mesure personnellement depuis longtemps, et je suis très fier de faire partie de cette équipe. Fier d'avoir accompagné nos quatre athlètes au Japon. Merci à eux d'avoir défendu les couleurs de la France. 

ph Pablo Jimenez ph women Podium 2Le podium féminin des Jeux de Tokyo-2020 avec la Sud-Africaine Bianca Buitendag (à gauche), l'Américaine Carissa Moore (centre) et la Japonaise Amuro Tsuzuki. (Photo ISA)

« Le futur du surf français est que nos surfeurs sachent surfer tous les types de vague »

Comment allez-vous gérer le temps olympique qui demande des préparations sur le long, voire le très long terme ?
On est en train de basculer vers ce temps olympique. Tout le monde commence à se rendre compte de ce que va peser l'olympisme pour le surf. Les athlètes vont aborder différemment leur projet de carrière et sa planification. Avant les JO n'étaient pas une priorité pour beaucoup. Les surfeurs qui sont sur le tour mondial depuis longtemps n'avaient sans doute pas perçu la grandeur des Jeux. Les Jeux vont devenir la priorité pour certains. Il va falloir que l'ISA et la WSL règlent certaines choses entre elles, et tout le monde va devoir fournir des efforts. 
Il va bien sûr falloir trouver un équilibre avec le circuit professionnel. Pour être performant aux JO, la confrontation de très haut niveau est incontournable. Et les compétitions de la WSL sont les seules à offrir cette confrontation à l'année. On a mis en place depuis 4 ans une cellule d'accompagnement sur les circuits CT et QS. Nos techniciens vont continuer à superviser et accompagner nos athlètes. Les championnats du monde ISA resteront un passage obligé. C'est une répétition du format olympique. Ça fait partie du chemin vers les Jeux.

Pourquoi le surf, professionnel depuis plus de 30 ans, ferait des Jeux Olympiques une compétition incontournable, alors que le tennis ou le golf n'en font pas une priorité ?  
Les meilleurs surfeurs du monde sont venus aux JO pour gagner. Je pense qu'on est un sport qui n'est pas encore reconnu à sa réelle valeur. Le CT reste important sur les nouveaux médias, et n'oublions pas que le Live de la WSL a été avant-gardiste par rapport aux autres sports. Cependant, le média traditionnel télé ne s'était pas rendu compte de l'importance du spectacle et de l'émotion que peut créer le surf en direct. Les JO viennent de le prouver et Teahupo'o va le prouver encore plus. Et puis l'émotion des surfeurs ne trompe pas. J'ai vu Italo Ferreira pleurer, Carissa Moore pleurer, Owen Wright pleurer pour sa médaille de bronze. Les meilleurs surfeurs du monde ont compris ce qu'étaient les JO.

Les JO font définitivement entrer le surf dans une autre ère. Avec 2024 qui arrive très vite mais aussi les horizons Los Angeles 2028 et Brisbane 2032, que va faire la Fédération pour préparer sa relève ?
Notre difficulté est qu'il va falloir composer à chaque fois avec des schémas différents : beach break, reef, point break… C'est ce qui fait la beauté du surf. Il faut savoir s'adapter. Le futur du surf français est que nos surfeurs sachent surfer tous les types de vague. On la chance en France métropolitaine et à l'outremer d'avoir toutes les vagues. On a des territoires incroyables. Mais on n'a pas de gros réservoir de surfeurs. On concurrence des pays qui ont des réservoirs de surfeurs 100 ou 1000 fois supérieur au nôtre.
On n'est pas ridicules mais, à chaque compétition, on n'a pas le droit à l'erreur. On doit notamment construire derrière Michel et Jérémy, Pauline et Johanne. Le niveau mondial évolue vers le haut. La progression est permanente et on doit s'accrocher, créer et construire, observer notre filière, l'accompagner. Les meilleurs jeunes seront aussi en stage à Tahiti pour construire avec eux. 

 

 

Dernière modification le : 02 août 2021
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